Vers le Sud

 

Un film de Laurent Cantet

 

Avec Charlotte Rampling, Karen Young, Louise Portal, Ménothy Cesar, Lys Ambroise…

 

Vers le Sud est le troisième film de Laurent Cantet, après Ressources Humaines et L’emploi du temps, où il sondait déjà les paradoxes des hommes.

 

Il s’intéresse ici à un sujet plutôt inédit au cinéma : le tourisme sexuel. Mais il ne met pas en scène des hommes à la recherche de jeunes filles, mais des femmes, entre 40 et 60 ans, qui viennent trouver à la fin des années 70 de jeunes hommes en Haïti pour assouvir leurs fantasmes, leurs désirs. Quand l’argent peut acheter la misère…

 

Il y a Ellen, enseignante à Boston, qui vient passer tous les étés à Port au Prince, bronzer sur les plages et s’entourer d’hommes pour se satisfaire, pas seulement sexuellement mais aussi émotionnellement. Elle est très attachée à Legba, un jeune homme qui se donne aux femmes blanches pour de l’argent, des cadeaux, l’exutoire à la misère.

Il y a également Brenda, qui revient à Haïti après quelques années de doute. Séparée de son mari, elle revient ici pour retrouver Legba, qu’elle avait « rencontré » lors de sa dernière visite. Elle a peur de ses émotions, de son désir, rend jalouse Ellen qui souhaite garder Legba pour elle seule…

 

Ellen appelle cet endroit un paradis, là où il n’y a pas de règles, où les désirs peuvent s’exprimer en toute liberté, sans à priori, sans jugement, dans un pays dévasté par la misère et la politique gangrenée par l’armée, la corruption.

 

Mais c’est avant tout une terre désespérée, où la misère est telle que les enfants doivent se prostituer auprès d’une clientèle nauséabonde, riche et outrancière.

 

Le cinéaste aborde son sujet sans détours, avec la rigueur déjà bien présente dans ses œuvres précédentes. Il ne cherche pas à donner d’excuse, à justifier le comportement de ces femmes qui viennent chercher le plaisir et l’affection dans une île de misère des Caraïbes. Il les filme simplement, sans juger, mais en les mettant face à leurs propres désirs, leur personnalité.

 

Cette rigueur plombe un peu le rythme du film, qui a du mal à réellement décoller, intéresser.

 

C’est le personnage de Legba, jeune et bel homme convoité par les femmes, qui fascine le plus. Vagabond, homme de plaisir pour ces femmes qui sont fascinés par sa beauté et son charisme naturel, c’est avant tout un jeune garçon perdu dans une île où la misère et le régime Duvalier semaient le désespoir.

 

Dans ce contexte, ce jeune homme essaie de survivre et de faire survivre sa mère.

 

Le film ne porte aucun message d’espoir et à voir le pays encore aujourd’hui en 2006, on ne peut que constater que ses progrès économiques, sociaux, n’ont pas encore vu le jour.

 

Le film vaut beaucoup pour l’originalité de son sujet et pour ses comédiens : Charlotte Rampling est impeccable comme toujours ; Karen Young incarne Brenda, l’américaine qui revient vivre ses désirs et se retrouve confronté à elle-même, partagée entre la morale et ses désirs qu’elle ne peut réfréner. A leurs côtés, on retrouve Ménothy Cesar, qui joue le rôle de Legba avec brio. Une interprétation justement récompensée au dernier festival de Venise par le prix Marcello Mastroianni. A noter également la présence du graphiste haïtien Lys Ambroise, travaillant dans l’hôtel restaurant où se déroule une grande partie de l’intrigue.

 

La réalisation est appliquée, ce qui est peut-être aussi l’un de ses défauts. L’on s’attend à plus de tremblement, à plus de violence visuelle, de brutalité vu le sujet et le contexte.

 

Vers le Sud n’en reste pas moins une œuvre réussie, qui reste toutefois confidentielle.

 

Arnaud Meunier

05/02/2006